Les types d'anesthésie pour une césarienne.
Il existe à l'heure actuelle différents types d'anesthésie pour effectuer une césarienne. Le plus souvent
il s'agira d'anesthésies loco-régionales telles que la rachi-anesthésie ou la péridurale, mais certaines césariennes
se déroulent sous anesthésie générale.
La répartition en pourcentage des différents types d'anesthésie n'est pas connue avec précision. Parmi les
informations disponibles, les pourcentages donnés par différentes sources varient fortement :
- Selon une étude de la Société Française d'Anesthésie et de Réanimation (SFAR)[1] en 2014,
basée sur les données de l'enquête nationale périnatale 2010[2] "environ 30 % des
césariennes sont des césariennes programmées, 50 % sont des césariennes survenant au décours d’un accouchement et le reste
est des césariennes en urgence. Le taux de péridurales étant maintenant supérieur à 70 %, cela explique une proportion
importante de césariennes réalisées avec cette technique (40 %). Le taux de rachianesthésies est lui proche de 60 %,
il ne reste donc que moins de 5 % des césariennes réalisées avec une anesthésie générale".
- Le DRESS [3] (qui tire ses sources des données de la SAE)
indique, en 2012, 89,8% de rachi-anesthésies pour les accouchements par césarienne. Ce taux est en augmentation constante,
contrairement à celui de l'anesthésie générale qui est de moins en moins pratiquée.
- Le PMSI ne permet pas de trouver les informations sur les différents
types d'anesthésie car les cotations des actes regroupent sous un même code (ZZLP025) les anesthésies globales et loco-régionales.
- Audipog indique les données suivantes, pour tous les accouchements effectués par
césarienne enregistrés dans cette base entre 1999 et 2006 :
Type de césarienne :
Type d'anesthésie : |
Césarienne en urgence réalisée avant travail
4356 accouchements |
Césarienne en urgence réalisée pendant travail
14313 accouchements |
Césarienne programmée réalisée avant travail
11918 accouchements |
Césarienne programmée réalisée pendant travail
1288 accouchements |
Générale d'emblée |
17,32 % |
4,22 % |
4 % |
5,25 % |
Rachianesthésie |
63,72 % |
19,56 % |
79,14 % |
57,91 % |
Péridurale |
10,7 % |
69,83 % |
7,75 % |
27,95 % |
Rachi et péri combinées |
6,44 % |
2,49 % |
7,64 % |
5,83 % |
Générale après rachi |
0,66 % |
0,69 % |
0,71 % |
0,93 % |
Générale après péri |
0,33 % |
2,36 % |
0,12 % |
1,01 % |
Autres |
0,82 % |
0,85 % |
0,63 % |
1,12 % |
Ces chiffres permettent de formuler les remarques suivantes :
- Les césariennes réalisées en urgence en cours de travail ne génèrent pas plus de d'anesthésies générales d'emblée
que les césariennes programmées réalisées avant travail. Il semble donc que dans la majeure partie des cas où la mère
ne bénéficie pas déja d'une analgésie péridurale, on ait le temps de poser une rachi-anesthésie. En effet on constate
20 % de rachi-anesthésies pour les césariennes réalisées pendant travail, or en général on ne pose pas de
rachi-anesthésie pendant un travail normal.
- En proportion, le taux de "générales après péri" suit approximativement le taux de "péridurale" : environ 3% des
mères sous analgésie péridurale auront tout de même une anesthésie générale. Ceci peut s'expliquer soit par des urgences
ne pouvant pas attendre l'effet d'une dose supplémentaire d'analgésie péridurale, soit par des péridurales défaillantes,
par exemple, n'agissant que d'un seul côté.
- Les césariennes en urgence réalisées avant travail peuvent revêtir une certaine notion d'urgence : par exemple la
moitié de cet effectif correspond à des naissances prématurées. L'hématome rétro-placentaire est un exemple de situation
menant à une telle césarienne, urgente bien que hors travail. Ceci pourrait expliquer le plus grand nombre d'anesthésies
générales dans ce cas.
Il faut noter qu'il n'existe pas "une" anesthésie péridurale ou "une" rachi-anesthésie : suivant les produits utilisés,
leur dosage, votre propre physiologie, les effets peuvent différer.
On entend souvent le terme d'anesthésie loco-régionale, mais il est plus juste de parler d'analgésie loco-régionale :
il s'agit de supprimer la douleur, et non d'endormir.
La rachi-anesthésie
© Association Césarine
La rachi-anesthésie fait effet rapidement.
La rachi-anesthésie consiste à injecter dans la colonne vertébrale, à l'intérieur de la dure-mère (enveloppe du système nerveux central),
une dose unique de produit anesthésiant. On parle d'injection intrathécale. Une fois l'injection réalisée, aucun cathéter ne reste en place,
il s'agit donc d'une anesthésie à durée limitée :environ 2 heures dans le cas d'anesthésiques locaux, plus longtemps si on y ajoute
des dérivés morphiniques. Cette durée est toutefois suffisante puisqu'une césarienne prend moins d'une heure.
Une rachi-anesthésie peut être posée très rapidement, en 2 à 3 minutes, et avoir une action quasi immédiate des produits injectés ;
mais si l'anesthésiste rencontre un problème (dos "difficile" ou simplement pas de chance) et doit s'y reprendre à plusieurs fois,
une quinzaine de minutes peuvent être nécessaires.
L'anesthésie péridurale
La péridurale consiste à injecter dans la colonne vertébrale, mais à l'extérieur de la dure-mère, une dose de produit anesthésiant
qui va agir sur les nerfs présents dans cet espace. Un cathéter reste en place, afin de pouvoir remettre des doses de produit,
lorsque l'effet de celui-ci disparaît après environ 2 heures. La pose est un peu plus longue que pour la rachi-anesthésie car il faut
mettre en place le cathéter. L'effet de l'anesthésiant se fait sentir après environ 15 minutes. La pose en elle-même, comme pour la rachi-anesthésie,
peut être très rapide ou nécessiter quelques essais.
La péri-rachianesthésie combinée (PRC)
Cette technique émergente consiste à effectuer dans le même temps une rachi-anesthésie plus la pose d'un cathéter de péridurale.
Cette technique permet de combiner la rapidité d'action de la rachi-anesthésie, avec la possibilité d'une anesthésie à long terme
de la péridurale. Elle permet, par exemple, des réinjections de doses de produit après l'opération, pour continuer l'analgésie de
cette zone.[7]
Les produits utilisés
Il existe différents types de produits anesthésiants [8] [9].
- Les anesthésiques locaux, qui inhibent le transfert de l'influx nerveux (donc la douleur) au niveau des nerfs eux-mêmes. Le produit
le plus fréquemment utilisé est la Bupivacaïne. Ces produits ont pour effet de bloquer le transfert de l'influx nerveux également
sur les nerfs moteurs, ce qui signifie que vous ne pouvez que difficilement contrôler vos muscles (impossibilité de marcher).
- Les dérivés morphiniques (parfois appelés « opiacés ») permettent de diminuer la dose nécessaire d'anesthésiques locaux (donc
les effets secondaires de ceux-ci, notamment l'action sur les nerfs moteurs). Utilisés seuls en injection intrathécale, ils
permettent une diminution partielle de la douleur, sans bloquer le fonctionnement des nerfs moteurs.
Les risques
Les désagréments de l'anesthésie
Au moment où l'on vous injecte le produit anesthésiant, pendant l'opération ou en salle de réveil,
il est possible que vous ayiez des nausées, des vomissements ou que vous vous mettiez à trembler comme une feuille,
sans pouvoir vous contrôler. Cet effet, qui peut vous inquiéter lorsque cela vous arrive, est une conséquence des produits
utilisés dans l'anesthésie et passera tout seul assez rapidement. Parlez-en aux médecins présents, qui sauront vous rassurer.
Des études [10] sont menées sur les effets des anesthésiants.
Les risques d'une anesthésie loco-régionale sont globalement plus faibles que ceux d'une anesthésie générale.
Cependant il peut se produire les cas suivants :
- L'échec complet ou la latéralité (elle ne fonctionne que d'un côté du corps) de l'anesthésie loco-régionale (lire
[11] ou
télécharger le pdf) qui conduisent à l'anesthésie générale. Cet échec (complet ou partiel)
de l'anesthésie est lié à des causes anatomiques ou techniques (échec de la ponction). Il est aussi lié à la nature urgente de
l'intervention : la durée étant plus longue que prévue, une autre injection ou un autre type d'anesthésie peut être nécessaire.
Cela peut également être lié à une résistance au produit injecté ;
- Risque de chute de tension, d'où la nécessité d'une perfusion pour maintenir la tension artérielle :
- Après l'opération, vous pourrez ressentir des maux de tête bien spécifiques, liés à votre position (1 % des cas),
car il se sera produit lors de la pose de l'anesthésie une brèche de la dure-mère. Si la gène est trop importante pour céder à
un traitement simple à base d'antalgiques et de repos, une intervention est possible : on ré-injecte du sang dans l'espace
péridural pour que vos propres plaquettes comblent la brèche. L'intervention en elle-même ressemble donc à la pose d'une péridurale,
sauf qu'on vous injecte votre propre sang au lieu d'injecter des anesthésiques :
- Les morphiniques peuvent provoquer des démangeaisons importantes ;
- La complication la plus grave reste la réaction allergique aux produits utilisés, ce risque est évalué par l'anesthésiste
lors de la consultation obligatoire ;
- Douleurs locales au point d'injection, après l'opération ;
- Formation d'un hématome péridural, grave complication qui ne se produit
que lorsque votre taux de plaquettes est trop bas, c'est pour cela qu'une
prise de sang est systématiquement réalisée avant une anesthésie de ce type ;
- Risques infectieux, extrêmement rares.
- Certaines mères ont rapporté des pertes de sensations locales au niveau d'une jambe, ou une perte de la sensation d'envie
d'uriner. Ces effets se sont résorbés spontanément au bout de quelques mois.
Pour plus d'informations sur les risques de l'anesthésie loco-régionale, voir Complications
de l'anesthésie péridurale en obstétrique (SFAR) [12].
Les avantages
Ce type d'anesthésie est nettement moins risqué qu'une anesthésie générale.
Les suites sont plus faciles.
De plus, une anesthésie loco-régionale vous permet d'être consciente au moment de la naissance.
L'anesthésie générale consiste à vous plonger dans un état d'inconscience complet. Cette anesthésie est pratiquée le
plus tard possible afin d'éviter l'exposition de votre bébé aux produits anesthésiants.
Entre autres actions, il faut : poser une perfusion, assurer une ventilation d'oxygène, injecter un narcotique plus un
dérivé de curare, vous intuber (car vous ne pouvez plus respirer suite à l'administration de ce dernier), extraire votre bébé,
puis retirer l'intubation lorsque les effets du curare disparaissent.
Cette anesthésie est très rapide à mettre en place puisqu'il s'agit d'une simple injection intraveineuse.
Voir ce site pour un
exemple de description du mode opératoire de l'anesthésie générale dans le cas d'une césarienne.
Les risques
Les risques d'une AG sont principalement :
- Une réaction allergique aux produits utilisés ;
- L'inhalation gastrique, c'est-à-dire le risque de reflux du contenu de l'estomac dans les poumons, c'est pourquoi il est
recommandé d'être à jeun pour une AG.
On peut noter qu'une anesthésie générale est considérée comme plus risquée chez une femme enceinte que chez une femme non
enceinte : les modifications physiologiques dues à la grossesse augmentent le risque d'inhalation gastrique car l'estomac
d'une femme enceinte n'est jamais totalement vide, et l'intubation est plus difficile car les muqueuses sont plus fragiles.
Les avantages
Ils sont principalement médicaux et liés à l'urgence : on obtient
rapidement, avec des risques maîtrisés, un endormissement.
Les contre-indications à l'anesthésie loco-régionale
En cas de contre-indication à une anesthésie loco-régionale (péridurale / rachi), la césarienne devra se dérouler sous anesthésie générale.
Les contre-indications classiques sont :
- Troubles de la coagulation ;
- Infection cutanée ;
- Fièvre ;
- Anomalie de la colonne vertébrale ;
- Problème local à la zone d'injection tel qu'un grain de beauté ou, pour certains anesthésistes, un tatouage.
Pour une césarienne programmée
Si vous ne présentez aucune de ces contre-indications, vous bénéficierez probablement d'une rachi-anesthésie pour
l'opération elle-même, qui est à l'heure actuelle le mode d'anesthésie préféré par les médecins.
Pour une césarienne en cours de travail
Si vous ne présentez aucune des contre-indications, le degré de rapidité auquel doit être effectuée la césarienne
sera le critère décisif. De manière générale :
- Si vous êtes sous péridurale, on se contentera d'augmenter la dose de produit dans le cathéter déja en place ;
- Si une rachi-anesthésie peut être posée (si on dispose d'une quinzaine de minutes - marge de sécurité au cas où
la pose du cathéter serait difficile), elle sera préférée ;
- Mais si la situation est grave et urgente, l'anesthésie générale pourra être choisie car elle assure un temps d'action "maximum"
de quelques minutes.
Pour plus d'informations, voir Anesthésie pour césarienne en urgence (SFAR) [13];
La morphine en péridurale semble être une bonne stratégie de traitement de la douleur post-opératoire, malgré les effets
secondaires (prurit). Elle peut être utilisée si on vous a fait une césarienne sous PRC ou sous péridurale.
Autre possibilité : certains mélanges de produits utilisés en rachi-anesthésie semblent avoir des effets à longue
durée : « La morphine peut assurer plus de 12 heures d'analgésie après une injection intrathécale
unique" »[14].
Le paracetamol est couramment prescrit, soit en comprimés, soit directement dans votre perfusion si celle-ci est encore en place.
D'autres anti-douleurs, de type ibuprofène, peuvent vous être proposés mais en cas d'allaitement il peut y avoir des contre-indications.
Dans les cas de douleur aigüe, la morphine peut être injectée en intra-veineuse.
Certaines mères font état de leur expérience de mémorisation peropératoire[15]
[16] qui est le fait pour un patient d'être conscient
alors qu'il est censé être anesthésié. Les patients qui souffrent de ce phénomène peuvent sentir pleinement la douleur ou la pression
de la chirurgie, entendre les conversations ou avoir le sentiment de ne pas être capables de respirer. Cet événement peut induire un
stress post-traumatique.
Ainsi, un patient peut décrire des évènements (par exemple, retranscrire les conversations de l’équipe médicale alors que la mère
est endormie sous anesthésie générale) ou des sensations survenues (douleurs) pendant qu’elle était supposée inconscienet ou ne rien sentir.
Il s'agit d'un évènement rare qui peut toucher de façon variable moins de 1% des patients. Elle est le plus souvent associée à un réveil
peropératoire. Ce phénomène est associé à une résistance physiologique aux agents anesthésiques et à une profondeur de l'anesthésie insuffisante.
- Références :
- [1] SFAR. Anesthésie pour césarienne - texte complet
- Chassard D., Bouvet L. Anesthésie pour césarienne. 2014
- [2] Enquête nationale périnatale 2010 - texte complet
- B. Blondel, M. Kermarrec.
Enquête Nationale Périnatale 2010, Tableaux de chiffres.Les naissances en 2010 et leur évolution depuis 2003. Mai 2011
- [3] DRESS - texte complet
- Le panorama des établissements de santé - édition 2014
- [4] Statistique annuelle des établissements de santé. Collecte 2009
- http://drees.social-sante.gouv.fr/etudes-et-statistiques/open-data/etablissements-de-sante-sociaux-et-medico-sociaux/article/la-statistique-annuelle-des-etablissements-sae
- [5] Statistiques du PMSI - MCO (médecine, chirurgie, obstétrique)- accès par GHM (groupes homogènes de malades)
- http://www.atih.sante.fr/statistiques-par-ghm-0
- [6] Le Réseau Sentinelle AUDIPOG
- http://www.audipog.net/
- [7] SFAR : Péri-Rachi Combinée - texte complet
- G Boulay, J Hamza.
La péri-rachianesthésie en obstétrique. Conférences d'actualisation 1997, p. 167-83.
- [8] PubMed 16626925
- Dr Lopard E.
Patient-controlled epidural analgesia for labour / PCEA pour le travail
2006 Jun;25(6):593-8. Epub 2006 Apr 19.
- [9] La péridurale analgésique - texte complet
- C. Jayr, D. Fletcher.
La péridurale analgésique.
Conférences d'actualisation 2005, p. 85-104.
- [10] PubMed 26473100
- Abdollahpour A, Azadi R, Bandari R, Mirmohammadkhani M.
Effects of Adding Midazolam and Sufentanil to Intrathecal Bupivacaine on Analgesia Quality and Postoperative Complications in Elective Cesarean Section.
2015 Aug 22;5(4):e23565. doi: 10.5812/aapm.23565. eCollection 2015
- [11] MAPAR 2009. Zetlaoui P. - texte complet
- Réussir une rachianesthésie
- [12] SFAR - Complications - texte complet
- P Diemunsch, H Gros, R Schaeffer.
Complications de l'anesthésie péridurale en obstétrique.
Conférences d'actualisation 1997, p. 73-104.
- [13] SFAR. Anesthésie pour césarienne en urgence - texte complet
- C.C. Arvieux, B. Rossignol, G. Gueret, M. Havaux.
Anesthésie pour césarienne en urgence.
Conférences d'actualisation 2001, p. 9-25.
- [14] SFAR - Morphiniques - texte complet
- R. Torrielli, S. Kollen, A. Bouju.
Les morphiniques en milieu obstétrical.
Conférences d'actualisation 2000, p. 307-317.
- [15] SFAR. Mémorisation peropératoire - texte complet
- D. Chassard, F. Duflo, B. Allaouchiche. SFAR. Mémorisation peropératoire.
- [16] SFAR. Votre patient dort-il ? Réveil peropératoire accidentel : mécanismes, prévention et détection - texte complet
- G Plourde, V Bonhomme. SFAR. Votre patient dort-il ? Réveil peropératoire accidentel : mécanismes, prévention et détection.
Page mise à jour en
Juin 2016.