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Une future maman peut-elle demander une césarienne sans raison médicale ? Et surtout... est-ce aussi fréquent que l'on veut bien le laisser entendre ?
Contrairement aux autres pages de ce site, vous ne trouverez pas ici de conseils pratiques, mais une reflexion sur le sujet de la césarienne dite "de convenance".
En première approche, on pourrait définir la césarienne sur demande maternelle comme étant "une césarienne non motivée par des raisons obstétriques".
Cette définition paraît simple, mais recouvre un ensemble de réalités, toutes différentes. Autant l'exemple de Victoria Beckham, l'ancienne Spice Girl qui a demandé des césariennes pour les naissances de ses enfants, paraît clairement relever de cette définition, autant on peut se demander si les cas suivants relèvent, ou non, de la césarienne sur demande maternelle :
Dans la mesure où la définition même de la césarienne de convenance recouvre des réalités bien plus complexes qu'il n'y paraît, la vraie césarienne de convenance, celle qui correspond effectivement à une demande forte de la mère, est difficile à évaluer.
Par exemple, aux Etats-Unis, une conférence d'état de l'art sur la césarienne sur demande maternelle indique que "on estime qu'approximativement 4 à 18% des césariennes sont sur demande maternelle" (ce qui correspond à environ 1% à 4,5% des naissances) et ajoute que "la validité de ces estimations est discutable" - en effet la plupart des hôpitaux n'enregistrent pas la notion de "demande maternelle" dans leurs dossiers.
A l'inverse, pour l'étude Listening to Mothers [2], qui a interrogé en 1574 mères en 2006, une seule mère a effectivement déclaré avoir demandé une césarienne... soit 0,06% de toutes les naissances. On est donc loin de l'image d'Epinal qui veut que l'augmentation du taux de césariennes soit due à une augmentation de la demande maternelle.
Au Brésil, la césarienne de convenance est très courante et est en lien avec la situation sociale et financière des femmes. De ce fait, les femmes moins aisées aspirent elles aussi à ce qui est tant réclamé par les plus riches.
En Asie, dans certains pays, une croyance veut que le jour de naissance soit important pour la destinée de l'enfant, ainsi on le planifie.
Les raisons suivantes sont fréquemment citées par des futures mamans s'interrogeant sur la possibilité de demander une césarienne :
On le voit, les demandes de césariennes provenant des futures mamans sont la plupart du temps sans aucun lien médical : les femmes sont portées par leurs convictions, leurs craintes, leur environnement social, culturel, psychologique, par l'effet de "ras-le-bol" de fin de grossesse... Il semble rare de rencontrer une mère souhaitant une césarienne de convenance après avoir étudié "froidement" les risques et bénéfices des deux modes d'accouchement.
Il n'est pas que de l'intérêt de la mère de demander une césarienne. Il peut en effet être de l'intérêt (financier ou organisationnel) du médecin d'inciter ses patientes à la césarienne, en orientant la manière dont il lui propose cette option.
On peut là encore citer les exemples de la césarienne pour siège ou de l'accouchement par voie basse après une césarienne, pour lesquels, bien souvent, les mères entendent un discours catastrophiste destiné à justifier une césarienne "à froid", au lieu d'une information équitable. Ces mères sont donc en toute bonne foi conduites à demander une césarienne, présentée comme le meilleur (voire le seul) choix possible pour leur enfant.
L'étude Listening to Mothers [2] s'est explicitement intéressée à cette question, et "9% des mères ont répondu avoir ressenti une pression de leur praticien pour qu'elles acceptent une césarienne".
Les préférences personnelles de l'obstétricien peuvent aussi entrer en ligne de compte : [3] montre que "17% des femmes obstétriciennes à Londres avec une grossesse simple choisiraient une césarienne de convenance pour elles-mêmes" (ce chiffre n'est pas une généralité, une étude belge [4] ne donne qu'un chiffre de 2%, une étude australienne [5] 11%). Si ces personnes font ce choix pour elles-mêmes, on peut imaginer qu'elles auront tendance à inciter leurs patientes à en faire de même : c'est ce que semble suggérer [6] "Il y a une association significative entre les préférences personnelles d'un obstétricien vers la césarienne, et le fait qu'il travaille dans un hôpital avec un taux de césariennes supérieur à 16%".
Nous ne prétendons pas ici apporter une information exhaustive sur l'ensemble des risques et des bénéfices liés à la voie basse ou à la césarienne. Il nous paraît difficile d'établir une telle comparaison, dans la mesure où il faudrait disposer d'études comparant une voie basse "présumée simple", à une césarienne "sans raison médicale" - or à ce jour, la plupart des césariennes étant pratiquées pour raison médicale, il est difficile de faire le tri entre les effets négatifs liés à la pathologie sous-jacente, ou à la pratique de la césarienne elle-même.
De manière générale, il est reconnu qu'à court terme, la césarienne comporte plus de risques qu'une voie basse "simple". En effet, il s'agit bien d'une intervention chirurgicale, avec, comme toute intervention chirurgicale, un certain nombre de complications possibles. A contrario, l'accouchement par voie basse est un processus physiologique pour lequel le corps de la femme est - a priori - équipé. Sur le long terme, ce débat se complique, car il faut comparer des choses incomparables : comment comparer par exemple un risque de prolapsus à un risque de rupture utérine ?
Faute de pouvoir établir une comparaison détaillée, contentons-nous de revenir sur quelques mythes à propos de la césarienne :
L'avis du CNGOF sur la césarienne de convenance [7]
Un médecin se doit de donner des informations concernant l'acte envisagé, voir par exemple la fiche d'information émise par le CNGOF sur la césarienne programmée [8].
En France, tout patient responsable peut refuser un traitement, mais la question se pose de savoir s'il peut en exiger un. Un médecin peut légitimement s'interroger sur le fait d'accepter de pratiquer une opération chirurgicale lorsque celle-ci n'est pas nécessaire, sachant que l'opération est porteuse d'un certain nombre de risques.
Il serait alors tentant pour le médecin d'essayer de convaincre la mère de renoncer à sa demande de césarienne, par un argumentaire sur les risques et les bénéfices de chacun des modes d'accouchement, mais en réalité, la demande d'une césarienne ne se base que très rarement sur des arguments chiffrables. Puisqu'il s'agit le plus souvent de l'expression d'un certain nombre de croyances et de peurs, il serait souhaitable que les médecins puissent prendre le temps de l'écoute et de l'explication, afin de comprendre les angoisses de la mère, et de lui permettre de les résoudre.
On sort là du cadre de la médecine mécanique "symptôme donc prescription de soin", pour revenir vers la notion d'accompagnement humain. Ce dialogue entre le médecin et la future maman est fondamental, et, plus il sera entamé tôt pendant la grossesse (pourquoi pas lors de la visite du 4eme mois), plus il aura de chances de porter ses fruits.
Notons que le système français actuel, dans lequel bien souvent les futures mamans sont suivies d'abord par leur gynécologue de ville, puis à l'hôpital par différents intervenants, dans le cadre de consultations courtes car trop nombreuses, rend l'établissement de ce dialogue bien difficile.
Après dialogue, et après information éclairée des risques et des avantages des deux modes de naissance, il se peut que la mère confirme son choix de césarienne. Certains médecins accepteront alors d'accéder à cette demande, d'autres, pour des raisons professionnelles ou déontologiques, ne le souhaiteront pas. Il leur est alors possible d'orienter cette mère chez un confrère.
Notons finalement que l'aspect "risques / bénéfices" de la césarienne ne fait pas l'unanimité chez les gynécologues français, voir par exemple les articles suivants :
Une césarienne sur demande maternelle aura lieu le plus souvent en l'absence de tout travail, et sera programmée à l'avance. On peut alors s'interroger sur le fait d'imposer une date de sortie à son enfant, au lieu de le laisser terminer sa croissance à son rythme, ou de le priver des mécanismes qui le préparent à sa vie extra-utérine.
La césarienne sur demande maternelle s'inscrit dans une logique de reprise de pouvoir de la femme sur son corps : après le combat pour le droit à la contraception, le combat pour le droit à l'avortement, la revendication du droit à ne pas allaiter, les femmes souhaitent désormais pouvoir choisir leur mode d'accouchement.
Cela peut aussi s'inscrire dans la logique du "rester belle, rester jeune" véhiculée par les médias : l'idée que le corps puisse être déformé par l'âge est désormais intolérable, l'idée qu'il puisse être déformé par la maternité le devient de plus en plus.
Le droit de chaque femme à disposer librement de son corps doit être respecté. Pour autant, on peut s'interroger sur la pertinence des représentations de la maternité et du corps féminin dans notre société, si ces représentations sont de nature à conduire une femme à demander une opération chirurgicale pour remplacer cet acte spécifiquement féminin qu'est l'accouchement.
Notre société a de plus en plus tendance à tout considérer sous l'angle du "bien de consommation". Dans la mesure où tout se choisit, tout s'achète, la santé tend à rentrer dans ce schéma de pensée... alors, dans ces conditions, pourquoi ne pas avoir le droit de choisir la "marque" d'accouchement que l'on préfère ?
Ce serait oublier que la santé n'est pas qu'un simple bien de consommation. Une naissance par césarienne a pour la société un coût plus élevé qu'une naissance par voie basse (rémunération de l'acte, hospitalisation plus longue, nécessité de plus de soins). La société serait donc en droit de s'interroger sur "qui doit payer pour une césarienne de convenance ?". Une analogie peut être faite avec la chirurgie esthétique, remboursée uniquement lorsqu'il y a indication médicale. Mais, là encore, étant donné la diversité des situations menant à une demande maternelle de césarienne, il sera difficile d'apporter une réponse claire à cette question.
Il est légitime que chaque mère souhaite avoir un enfant en bonne santé, sans que cela soit vécu par elle comme une souffrance, et sans subir de séquelles.
Mais, la chirurgie ne devrait pas être perçue comme la seule réponse
possible à ce souhait.
En tant que future maman, une réponse possible serait de réfléchir
à son accouchement, à ce que l'on souhaite, ce que l'on ne souhaite pas,
afin de trouver d'autres réponses qui permettraient de rendre son accouchement
"recevable". Par exemple, "je ne souhaite pas souffrir pendant mon
accouchement" peut trouver une réponse dans le fait de sélectionner
une maternité dans laquelle la péridurale peut être posée à
tout moment, ou dans le fait de pouvoir vivre le travail de manière plus libre
(mobilité, baignoire,...), ou dans le fait d'être accompagnée
(conjoint, doula,...), plus que dans le fait de remplacer les heures de travail par une opération.
En tant que médecin, une réponse possible serait de diminuer les gestes nocifs pour la mère (décubitus dorsal, expression abdominale, épisiotomie), afin d'améliorer le vécu des mères et de réduire les séquelles de l'accouchement.
En tant que société, la tendance actuelle est de considérer l'accouchement comme un simple acte médical, au détriment des notions d'aventure humaine ou d'accueil de l'enfant. Dans ces conditions, en effet, pourquoi ne pas choisir un acte médical plutôt qu'un autre ? Les évolutions actuelles font que les mères sont plus isolées qu'auparavant par rapport à leurs familles, elles n'ont donc plus accès aux transmissions de mère à mère, de femme à femme. L'accouchement n'est plus qu'un "passage obligé", par ailleurs considéré comme "évènement à haut risque". Il nous semble qu'une réponse plus judicieuse consisterait à re-valoriser l'aspect humain de l'accouchement, et à repenser la grossesse et l'accouchement sous l'angle d'un processus a priori physiologique, pour lequel les femmes sont a priori faites.
Page mise à jour en Juin 2017.